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L’arrivée de ces mesures rend l’optimisation fiscale encore plus pertinente.

Lors du budget fédéral du 27 février dernier, le gouvernement du Canada a finalement mis un terme aux incertitudes qui planaient depuis le 18 juillet à propos des revenus de placement passifs des sociétés par actions. Avant de voir un exemple, regardons, plus en détails, les deux mesures proposées.

Perte de la déduction pour petite entreprise (DPE) pour les groupes de sociétés ayant un revenu de placement élevé

Pour les sociétés se qualifiant, la DPE fait en sorte que le bénéfice d’entreprise passe du taux général, ou gros taux, au taux réduit, ou petit taux, pour les premiers 500 000 $, appelés «plafond des affaires». Or, c’est à ce dernier montant que la nouvelle mesure s’en prend. En effet, lorsque des revenus de placement seront trop élevés dans cette société ou dans toute autre société «associée» à celle-ci, le plafond des affaires sera réduit graduellement, possiblement jusqu’à zéro. En fait, pour chaque dollar excédant 50 000 $ de revenu de placement, le plafond sera réduit de 5 $. Cela signifie qu’à compter de 150 000 $ de revenu de placement, le plafond des affaires sera nul. Autrement dit, le «petit taux» sera perdu au complet.

Certaines notions restent à éclaircir dans ce que je viens de mentionner.

Premièrement, j’ai parlé de sociétés associées. Cela signifie «le même groupe» de sociétés. Il faut cependant connaître les règles qui font que des sociétés peuvent être qualifiées d’associées. Il en existe plusieurs et ce n’est pas l’objet de cette chronique. Retenez simplement qu’essentiellement, il s’agit de sociétés qui sont soit contrôlées par la (ou les) même personne, soit qu’une (ou des) personne contrôle une société et détienne au moins 25 % des actions d’une autre société contrôlée par une (ou des) personne liée. À noter ici que le mot «contrôle» a un sens très élargi qui peut même s’appliquer aux créanciers importants.

Deuxièmement, il faut savoir comment est défini le revenu de placement. Il s’agit de ce que l’on considère généralement, en services financiers, comme un revenu de placement (intérêt, dividende, gain en capital imposable) en plus des revenus de location et autres revenus du genre auquel on apporte quelques modifications. En effet, le gain en capital résultant de la vente d’un actif servant à l’exploitation d’une entreprise ne sera pas considéré dans le calcul.

Remboursement de l’impôt en main remboursable au titre de dividendes (IMRTD) restreint dans le cas de versements de dividendes déterminés

Pour bien comprendre cette mesure, il est nécessaire de comprendre les règles actuelles.

Lorsque des revenus de placement sont reçus par une société par actions, un impôt remboursable, l’IMRTD, doit être payé. Il existe trois traitements fiscaux possibles.

Le premier s’applique notamment au revenu d’intérêt, au gain en capital imposable et au revenu de location. Le taux d’impôt temporaire est égal à 30,67 % de ces revenus. Dans la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), on appelle cet impôt la fraction remboursable de l’impôt de la partie I (FRIP).

Les deuxième et troisième types de traitement fiscal sont un impôt payable en vertu de la partie IV de la loi. La fiscalité est différente selon que le dividende reçu provient d’une société rattachée ou non.

Pour un dividende reçu d’une société non rattachée (propriété de 10 % ou moins), le taux est de 38,33 %. Pour un dividende reçu d’une société rattachée, il n’y a pas de taux prescrit. Il s’agit d’un montant en dollars égal au remboursement de l’IMRTD qui a été fait à la société payeuse. Par exemple, si votre société détient 40 % d’une autre société et que cette filiale reçoit un remboursement de 1 000 $ de son propre IMRTD, l’impôt de la partie IV de votre société est de 400 $.

On comprend ainsi que l’IMRTD est le suivi d’impôt payé à l’avance et que cet impôt peut être remboursé. La condition actuelle pour toucher un remboursement est de verser un dividende imposable (déterminé ou non déterminé), et le taux de remboursement est de 38,33 %.

Par exemple, si le solde de l’IMRTD est de 1 000 $ et que la société verse un dividende imposable de 2 000 $ à ses actionnaires, le remboursement d’impôt à la société sera de 38,33 % de 2 000 $, soit 766,67 $. Le solde de l’IMRTD est donc réduit à 233,33 $ (1 000 – 766,67).

C’est ici que la deuxième mesure entre en jeu. Le gouvernement veut distinguer les dividendes versés imposables entre dividendes déterminés et dividendes non déterminés.

Il y aura ainsi la création d’un deuxième compte d’IMRTD qui sera qualifié d’IMRTD déterminé. Le compte d’IMRTD actuel sera appelé IMRTD non déterminé.

La règle sera la suivante lorsque des dividendes seront versés par une société à son actionnaire :

  • Un dividende déterminé donnera droit à un remboursement du compte d’IMRTD déterminé seulement ;
  • Un dividende non déterminé donnera droit à un remboursement d’IMRTD non déterminé en priorité et, si ce dernier solde est réduit à zéro, un remboursement d’IMRTD déterminé.

Comme l’impôt de la FRIP et l’impôt de la partie IV continueront à être payés, le total des deux IMRTD sera le même que l’IMRTD unique actuel. Ce qui change est un contrôle lorsque des dividendes déterminés sont versés. Le remboursement sera possiblement moins élevé qu’il ne l’est actuellement.

Comme actionnaire, on aime évidemment recevoir un dividende déterminé, car le taux d’imposition est légèrement inférieur. Le taux maximum, en 2018, est de 39,83 % pour les dividendes déterminés, et de 43,94 % pour les dividendes ordinaires (non déterminés).

Cependant, la société qui verse actuellement un dividende imposable à ses actionnaires a droit à un remboursement de son IMRTD, que le dividende soit déterminé ou non. Or, avec la nouvelle mesure, si le solde de l’IMRTD déterminé est nul, aucun remboursement ne pourra être fait au versement d’un dividende déterminé, même si l’IMRTD non déterminé a un solde important.

Mais comment l’IMRTD déterminé sera-t-il constitué ?

Il sera constitué uniquement de l’impôt de la partie IV sur les dividendes déterminés reçus de sociétés non rattachées et des remboursements de l’IMRTD déterminé de la filiale (société rattachée). Comme la situation la plus courante est qu’une filiale est une société opérante et ne reçoit pas de remboursement de son IMRTD, car elle n’a pas de revenu de placement, on peut retenir que ce ne seront souvent que les dividendes déterminés reçus d’un portefeuille de placement qui créeront de l’IMRTD déterminé.

Cela aura comme conséquence que si une société n’a accumulé que de l’IMRTD non déterminé et qu’elle verse un dividende déterminé à son actionnaire – parce qu’elle a été imposée au «gros taux» sur son bénéfice d’entreprise – elle ne pourra bénéficier d’un remboursement d’impôt. Elle devra donc choisir entre cette situation et verser un dividende non déterminé pour toucher un remboursement de son IMRTD non déterminé.

Notons que l’IMRTD actuel sera converti en deux parties. Pour les sociétés privées, l’IMRTD déterminé sera le minimum entre 38,33 % du compte de revenu à taux général (CRTG) et l’IMRTD actuel. Le reste constituera l’IMRTD non déterminé. Pour les sociétés publiques, l’IMRTD actuel deviendra l’IMRTD déterminé.

Conséquences des mesures

Ce que l’État veut, avec la première mesure, c’est de frapper les sociétés «riches», et ce qu’il vise avec la deuxième, c’est d’éliminer la possibilité de verser un dividende déterminé et de recevoir simultanément un remboursement d’IMRTD qui n’avait pas été généré à partir de revenus imposés au «gros taux» initialement. Bien qu’elles atteignent ces objectifs, ces mesures vont possiblement créer certains effets non désirés.

Par exemple, le fait de considérer toutes les sociétés associées dans le calcul des revenus de placement nuira à certains actionnaires. Les règles d’association sont déjà très présentes dans l’esprit des fiscalistes. Le plafond des affaires doit être partagé entre ces sociétés. Mais cela ne créé souvent aucun problème car, dans une structure organisationnelle, il n’y a souvent qu’une seule (ou peu de) société opérante, le reste étant des sociétés de gestion.

Par contre, avec les nouvelles règles, les placements de toutes ces sociétés peuvent nuire au plafond des affaires de la société opérante. Le fait d’émettre des actions de contrôle ou des actions de gel à des parents, tant que le transfert intergénérationnel n’est pas terminé, viendra possiblement de faire perdre la possibilité de retrouver la DPE à la société opérante, ce qui n’est certainement pas l’objectif visé. Je dis «retrouver», car les parents, avant le transfert, l’auront peut-être perdue également, mais ce n’est pas une raison pour pénaliser la génération suivante.

Autre point : aucune mention n’a été faite des placements accumulés «à date», que le gouvernement avait pourtant dit qu’il protégerait. Cela signifie qu’on doit oublier cette protection promise des placements actuels. Certaines personnes ayant posé des gestes préventifs dans le passé (ouverture d’un compte séparé pour les bénéfices futurs, transfert de sommes personnelles à leur société…) ne tireront donc aucun avantage de ces derniers.

On voudra ainsi, dans certains cas, générer un minimum de revenu imposable pour la société, tant au niveau des revenus d’entreprise que des revenus de placement. On versera alors possiblement un maximum de revenus sous forme de salaire. L’optimisation fiscale prendra encore plus d’importance : pensons notamment à l’utilisation de produits d’assurance vie (exonérée), d’assurance vie contre les maladies graves en copropriété, de fonds constitués en société, de régimes de retraite individuels (RRI) et à l’optimisation des flux monétaires.

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