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La plupart des conseillers qui ont pour clients des gens d’affaires doivent composer, un jour ou l’autre, avec certaines notions en matière de fiscalité successorale.Que se passe-t-il exactement lors du décès d’un actionnaire ? D’abord, la règle selon laquelle le défunt est présumé avoir disposé de tous ses biens immédiatement avant le décès s’applique.

Cela implique que l’actionnaire dispose de ses actions à la juste valeur marchande (JVM) et qu’il doit donc payer l’impôt sur le gain en capital généré sur ces actions. Or, le produit de base rajusté (PBR) des actions est souvent très faible, car la société de gestion a souvent été créée sur la base de montants nominaux.

Par exemple, si les actions ont une JVM de 1 M$ et que le PBR de ces actions est de 100 $, le gain en capital est de 999 900 $. La JVM des actions d’une société de gestion est simplement la somme de la JVM de tous les biens qui la composent.

Après le décès, les héritiers deviennent ainsi les actionnaires de la société. Comme le «vendeur» est la personne décédée et qu’elle a payé l’impôt afférent à la valeur des actions, le PBR des actions, lorsqu’elles deviennent la propriété des héritiers, est la JVM des actions. Ainsi, si ces derniers disposaient des actions immédiatement après les avoir acquises, le gain en capital serait nul.

Or, les héritiers veulent en général de l’argent… pas des actions d’une société. Ils procèdent ainsi souvent à la liquidation de la société afin de toucher aux valeurs contenues dans celle-ci. En effet, ils ne pourront généralement pas trouver d’acheteur pour vendre ces actions qui ne contiennent que des actifs et aucune entreprise.

Lors d’une liquidation, deux choses se produisent :

  • une disposition des actions de la part de leurs détenteurs, générant un gain ou une perte en capital ;
  • un dividende réputé aux mêmes actionnaires, car la société «rachète» les actions en cas de liquidation et un rachat entraîne un dividende aux actionnaires.

Si l’explication s’arrêtait ici, on assisterait à une double imposition. Pourquoi ? Les héritiers ne feraient aucun gain en capital, puisque le PBR de leurs actions est égal à leur JVM, mais que le dividende réputé est égal au montant reçu par les actionnaires, moins le capital versé. En tenant compte du gain en capital payé par le défunt, les mêmes sommes se voient imposer en double.

Le capital versé (CV) est le montant qui a été investi initialement par les actionnaires lors de l’émission des actions. Et ce montant ne change pas dans le temps, même lorsque les actions sont vendues (à moins d’une émission ultérieure d’actions de même catégorie). Pour cette raison, on fait souvent face à une situation où le PBR est élevé (pour des héritiers, par exemple) et le CV est faible.

Évidemment, l’actif de la société doit être liquidé avant que la société ne le soit elle-même. Cela implique que si un gain en capital latent est présent, la société devra payer ses impôts avant d’être liquidée. Pour simplifier notre exemple, disons qu’aucun impôt latent n’est présent.

Ainsi, partant de l’hypothèse que le CV est également de 100 $, le dividende réputé serait, lui aussi, de 999 900 $ et la succession (ou le légataire particulier) aurait à payer l’impôt afférent. Le défunt aurait, quant à lui, payé l’impôt sur un gain en capital de 999 900 $ (gain en capital imposable de 499 950 $).

Double imposition annulée

Deux dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) viennent ici à notre rescousse :

Alinéa 54 1) «produit de disposition» j) LIR : le produit de disposition (PD) est réduit du dividende réputé. Cet alinéa s’applique non seulement en cas de décès, mais en tout temps. Dans notre exemple, le produit de disposition des actions détenues par les héritiers ne serait pas de 1 M$, mais de 100 $, car on doit soustraire le dividende réputé (de 999 900 $) du PD. Les héritiers réaliseraient ainsi une perte en capital de 999 900 $, soit le PD de 100 $ moins le PBR de 1 M$.

Paragraphe 164(6) LIR : si la succession hérite des actions, elle pourra appliquer la perte en capital qu’elle réalise contre le gain en capital de la personne décédée si elle fait ce choix dans la première année d’imposition de la succession. Ce paragraphe vient ainsi réduire – voire éliminer – le gain en capital de la personne décédée. Des règles particulières, appelées minimisation des pertes, doivent cependant s’appliquer. Ces règles ont un impact lorsque des sommes provenant du capital décès d’une police d’assurance vie sont reçues par la société avant sa liquidation. Nous y reviendrons au cours d’une prochaine chronique.

En résumé, notre exemple aurait le résultat final suivant :

Pour le défunt :

PD1 000 000 $

PBR100 $

Gain en capital avant 164(6) LIR999 900 $

Perte en capital de la succession

164(6) LIR(999 900 $)

Gain en capital réel pour le défunt0

Pour la succession :

Dividende réputé

(84(3) LIR)999 900 $

PD avant

54 1) j)1 000 000 $

Dividende

réputé(999 900 $)

PD après application de 54 1) j)100 $

PBR

(PD du défunt)(1 000 000 $)

Perte en capital

(54 LIR)999 900 $

Le paragraphe 164(6) annule donc, dans cet exemple, la double imposition qui résulte de la liquidation de la société par la succession. Ainsi, le seul impôt payable est celui sur le dividende réputé de la succession.

En outre, comme un dividende est imposé à un taux supérieur au gain en capital – a fortiori lorsque la société est une société opérante dont les actions ont droit au statut d’actions admissibles de petite entreprise donnant droit à l’exonération de gain en capital de 800 000 $ – il est possible que l’on veuille éliminer l’impôt sur le dividende de la succession et ne conserver que l’impôt sur le gain en capital du défunt.

Dans ce cas, on aura souvent recours à une technique appelée pipeline, qui fera l’objet d’une autre chronique.

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