Même si elles existent depuis longtemps, on entend de plus en plus parler des actions accréditives.
Qu’en est-il au juste ? À qui s’adresse ce produit ? Est-il rentable ? Je tenterai de répondre à quelques interrogations qui touchent ce produit financier.
Les actions accréditives sont des actions émises par des sociétés qui répondent à certains critères. Ces sociétés doivent notamment oeuvrer dans les secteurs des mines, du pétrole et du gaz, de l’énergie renouvelable ou de l’économie d’énergie.
Au début de l’exploitation de leur entreprise – en phase d’exploration -, ces sociétés ont souvent peu ou pas de revenus. En émettant des actions accréditives, elles permettent à leurs détenteurs de profiter de certains avantages fiscaux (déductions et crédits) qui remplaceront les pertes auxquelles elles renoncent au cours de cette période, faute de revenu. Leur nom en anglais (Flow-through shares) reflète bien ce transfert d’avantages fiscaux.
C’est donc un moyen de financement pour les sociétés qui peut présenter un grand attrait pour les clients.
Déductions et crédits
Les actions accréditives permettent à leurs détenteurs de déduire certains montants en plus d’avoir droit à un crédit d’impôt. Les déductions peuvent être reportées indéfiniment, alors que le crédit d’impôt (crédit d’impôt à l’investissement) est reportable dans les trois dernières années ou dans les vingt suivantes.
La principale déduction est relative aux frais d’exploration. Au Québec, en plus de la déduction de base permise au fédéral, une déduction additionnelle de 10 % de la déduction de base est possible si l’exploration a lieu au Québec, en plus d’une autre déduction de 10 % si l’entreprise en est une d’exploration minière de surface.
Une autre déduction est permise pour frais d’aménagement. Il est possible que ces deux montants fassent l’objet d’un ajustement à cause de subventions accordées par les gouvernements.
Les frais d’émission constituent la dernière catégorie donnant droit à une déduction fiscale.
Toutes ces déductions peuvent être reportées indéfiniment dans l’avenir si elles ne sont pas utilisées.
Le crédit d’impôt à l’investissement (CII) est un crédit disponible au fédéral. Le gouvernement fédéral a annoncé le 1er mars dernier que ce crédit ne serait plus disponible pour les émissions faites après le 31 mars 2016. On peut cependant présumer qu’il sera reconduit comme il l’est annuellement depuis plusieurs années. Le montant du crédit obtenu dans une année doit être ajouté au revenu imposable lors de l’année suivante.
Il importe, à défaut d’avoir un bon comptable ou fiscaliste, de connaître les particularités de toutes ces déductions afin d’en tirer le maximum, par exemple, pour la déduction annuelle autorisée des frais d’émission.
L’impôt lors de la disposition
Le prix de base rajusté (PBR) des actions accréditives est toujours nul. Cela signifie qu’au moment où l’on dispose des actions, un gain en capital sera peut-être déclenché. Au fédéral, le gain en capital est égal au produit de disposition moins le PBR. Un produit de disposition non nul entraîne donc un gain en capital égal à ce produit de disposition.
Au Québec, un avantage supplémentaire existe. En effet, le gain en capital sur biens relatifs aux ressources jouit d’une déduction supplémentaire égale au minimum entre le coût fiscal et le produit de disposition et le PBR.
Autrement dit, lorsque le produit de disposition est inférieur au coût, il n’y a pas de gain en capital imposable, et lorsqu’il lui est supérieur, le gain en capital est égal au produit de disposition moins le coût (et non le PBR), éliminant ainsi tout gain en capital jusqu’au coût fiscal.
Sociétés en commandite
Afin de réduire le risque de fluctuations, l’acquisition d’actions accréditives peut se faire par l’intermédiaire de sociétés en commandite qui achètent plusieurs actions qui feront l’objet d’un roulement en fonds communs de placement constitués en société dans un délai qu’aura choisi la société de personnes.
Le délai minimal pour cette conversion est la date la plus éloignée entre quatre mois et un jour et le 1er janvier de l’année suivante. La durée typique avant le roulement est cependant davantage de l’ordre de une à deux années.
Il existe généralement deux émissions par année pour ces sociétés en commandite. Toutes autres choses étant égales par ailleurs, l’investisseur québécois aura avantage à choisir des sociétés dont les investissements sont maximisés au Québec, étant donné les déductions supplémentaires accordées.
Avant d’illustrer mes propos par un exemple, j’aimerais rappeler, encore une fois, qu’un «bonbon» fiscal n’est qu’un attribut de plus à un investissement. Ce qui compte, c’est la dernière ligne.
Autrement dit, même si la fiscalité d’un produit d’investissement est avantageuse, il faut en examiner les impacts totaux, y compris le rendement, avant de prendre une décision d’achat. Mieux vaut un bon vieux certificat de placement garanti (CPG) à 1,5 % de rendement qu’un titre qui nous permet d’économiser 80 % d’impôt, mais qui ne vaut plus rien après un certain temps…
Rendement pour un célibataire
Regardons ensemble le potentiel de rendement des actions accréditives selon quelques hypothèses. Je remercie Robin Lévesque, du cabinet Brassard Goulet Yargeau, de m’avoir fourni la base de ces hypothèses réalistes :
Les actions sont achetées par l’intermédiaire d’une société en commandite le 30 juin d’une année ;
Elles sont revendues le 30 novembre de l’année suivante ;
Les frais d’exploration constituent 90 % de l’investissement ;
Les frais d’émission sont de 10 % de l’investissement et sont déduits sur une période de cinq ans ;
75 % des actions se qualifient pour les déductions supplémentaires du Québec.
Afin de connaître le potentiel de rendement de ces actions, voici un graphique qui illustre quatre courbes indiquant le taux de rendement interne des actions selon la baisse de leur valeur lors de la vente. On verra un maintien de la valeur en plus de baisses respectives de 25 %, 50 % et 66 2/3 %.
On voit que pour une personne seule, un rendement positif est dégagé à différents niveaux de revenu. Par exemple, si les actions ont perdu les 2/3 de leur valeur au moment de la vente, cela nécessite un revenu d’au moins 137 000 $ alors que si les actions «ne perdent que» la moitié de leur valeur, un revenu de 37 000 $ est suffisant. Comme on peut le voir, la variable la plus critique est la valeur des actions, et non le palier d’imposition au-delà de 44 000 $ de revenu.
La plupart des textes relatifs aux actions accréditives mettent l’accent sur le taux marginal d’imposition de l’investisseur, car il doit être élevé afin d’augmenter la probabilité que la stratégie soit rentable. Mais qu’en est-il des situations où les taux effectifs marginaux implicites (TEMI) sont élevés ?
Rendement pour une famille
J’ai décidé de tester le tout avec une famille biparentale de deux enfants en garderie subventionnée (avec les nouveaux tarifs). Dans le deuxième graphique, les conjoints gagnent respectivement 65 % et 35 % du revenu familial. Ils bénéficient donc du nouveau crédit d’impôt fédéral pour les familles en plus de la Prestation fiscale canadienne pour enfants et du Soutien aux enfants. Les crédits remboursables (TPS, solidarité, prime au travail et Prestation fiscale pour le revenu de travail) ont également été considérés.
Sans grande surprise, la zone «payante» des TEMI peut faire générer des rendements exceptionnels, même avec une bonne perte de la valeur des actions. On voit également qu’à partir d’un revenu familial de 70 000 $, les courbes sont étonnamment stables, car elles varient d’au plus 10,78 % entre le rendement minimal et le rendement maximal, quel que soit le niveau de revenu.
Contrairement à la situation d’une personne seule, on peut constater que le niveau de revenu (en-deçà de 70 000 $) joue un rôle aussi important que la fluctuation de la valeur des actions. Une autre démonstration que le Québec est «le paradis des familles». Encore faut-il qu’elles aient les moyens d’épargner…