La prochaine campagne électorale provinciale approche à grands pas. On se fera alors livrer toutes sortes de promesses. Le coût de ces promesses est souvent obscur et certains politiciens tentent de nous en passer des « petites vites ». C’était difficile, pour le commun des mortels de valider les chiffres donnés par les politiciens. Je dis « c’était » parce que ce ne l’est plus grâce à un superbe outil développé par la Chaire de recherche en fiscalité et finances publiques de l’université de Sherbrooke.
Le Simulateur fiscal du Québec a été mis en ligne il y a quelques jours. Si vous allez y faire un tour, vous verrez que plusieurs promesses que pourraient faire les politiciens seront facilement quantifiables. Plusieurs paramètres du système fiscal québécois peuvent être modifiés et l’effet net pour le gouvernement est calculé en temps réel. On peut aussi voir les effets sur les particuliers, quoique ces calculs sont plus faciles à faire.
Ainsi, les paramètres suivants peuvent faire l’objet de modifications de la part de l’Internaute :
- Seuils et taux d’imposition des différents paliers
- Taux d’inclusion du gain en capital
- Maximums, minimums, seuils et taux de réduction du Soutien aux enfants
- Taux applicable et taux de réduction de la Prime au travail
- Montant de base et seuil de réduction de la composante TVQ du crédit de solidarité
- Taux de la TVQ
On voit donc que ce sont des éléments qui touchent directement la poche des contribuables. Il y a donc fort à parier que la prochaine campagne foisonne d’idées à cet égard. Mais ce qui distingue ce simulateur, comme je l’ai dit, est que le coût ou le bénéfice pour le gouvernement est calculé. Non seulement, le coût ou le bénéfice direct pour l’État de chacune des mesures mais également la combinaison de mesures (avec l’hypothèses qu’elles ont des effets non corrélés).
Et ce n’est pas tout…
On estime même des impacts au niveau comportemental. Cet élément est nécessaire lorsqu’on veut faire des calculs réalistes. Il est certain que certaines mesures inciteront des contribuables à modifier leurs comportements et ces modifications auront des impacts à leur tour. Bien qu’il s’agisse d’éléments subjectifs, un bel effort a été fait en ce sens.
Prenons un exemple afin de bien comprendre de quoi on parle.
Disons qu’une promesse de réduire les impôts de 1 % pour tous vient d’être faite par un parti politique.
Pour mesurer les impacts, après s’être rendu sur le site, il faut déplacer les curseurs des taux d’imposition de 1 % du côté gauche (diminution) de chacun des paliers. Les résultats sont les suivants :
- Effet direct de – 1 749 millions de dollars (perte de 1,8G $ pour l’État)
- Effet secondaire de +99 millions de dollars (gain pour l’État)
- Effet comportemental : +96 millions de dollars
- Effet total : perte de 1,554 milliard de dollars (1,43 % des revenus de l’État)
N’est-ce pas merveilleux ?
Alors si un politicien nous dit qu’il veut baisser les impôts de 1 % pour tout le monde et qu’il dit qu’il n’en coûtera que 750 millions de dollars à l’État, vous savez qu’il sous-estime de 50 % les retombées réelles anticipées.
En terminant, revenons un peu sur l’effet comportemental.
Pourquoi une baisse d’impôt aurait-elle des effets, positifs pour l’État, sur le comportement des contribuables ? Ramenez simplement cette situation à vous. Comment réagirez-vous réalistement ?
- Peut-être économiseriez-vous plus, ce qui génèrerait des revenus de placement imposables, si ce n’est pas immédiatement, ce serait plus tard.
- Peut-être dépenseriez-vous davantage ou plus rapidement que vous ne l’aviez prévu. Vous paieriez ainsi plus de taxes à la consommation et autres. Si tout le monde faisait comme vous, de la main-d’œuvre additionnelle serait nécessaire. Cette main d’œuvre paierait de l’impôt supplémentaire.
- Peut-être trouveriez-vous qu’il est encore plus avantageux de faire du temps supplémentaire. Vous augmenteriez ainsi vos revenus, payant de l’impôt supplémentaire.
- Peut-être prendriez-vous plus de risques en affaires et engageriez-vous des ressources supplémentaires payant de l’impôt.
On voit que plusieurs facteurs peuvent jouer en faveur de retombées positives pour le gouvernement. Si le sujet vous intéresse, je vous recommande de voir les « courbes de Laffer » traitant du sujet des taux d’imposition marginaux et des recettes de l’État.
Merci encore à la Chaire de recherche en fiscalité et finances publiques de l’université de Sherbrooke!