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Un petit branle-bas de combat cette semaine a eu lieu alors que certaines stratégies utilisant le Supplément de revenu garanti (SRG) ont été mises au jour par Daniel Germain. Ce « filet social » est souvent utilisé par des personnes qui ne sont pas au bas de l’échelle des revenus. Mais est-ce éthique ?

D’un côté : les puristes et les vierges offensées. De l’autre, les pragmatiques et aussi les opportunistes. Non pas que les personnes pragmatiques soient opportunistes ou que tous les puristes s’offusquent pour un rien. On peut être du même côté pour des raisons différentes. Souvenez-vous de Pierre-Elliot Trudeau qui était contre l’accord de Charlottetown visant à réintégrer le Québec dans la constitution canadienne. Trudeau, qui était contre l’accord parce qu’il trouvait qu’il donnait trop de pouvoirs au Québec, était dans le même camp, celui du NON, que les souverainistes québécois qui trouvaient que cet accord n’en donnait pas suffisamment. Enfin… je m’égare.

Il y a tout de même deux camps qui ont tous deux de bons arguments en faveur ou non des stratégies utilisant notamment le SRG et d’autres stratégies fiscales pour s’enrichir. Mais est-ce éthique d’agir ainsi ?

Évidemment, on parle d’éléments qui sont légaux ici. La question n’est pas de savoir si c’est légal ou non, mais c’est davantage un dilemme moral qui attend les personnes face à certaines options.

Le camp du NON.

Ça me rappelle le début de ma carrière dans le domaine. « Voyons donc si je vais recommander à un millionnaire de toucher le Supplément! Ce programme ne s’adresse pas à eux! » disais-je alors.

C’est l’argument principal de ce camp. Les riches contre les pauvres. Les érudits contre les démunis. Ça a beau être légal, ce n’est pas éthique.

Avec cette position, il faut englober bien d’autres éléments que le simple Supplément de revenu garanti versé aux personnes riches. D’autres combats sont au menu. Comment se fait-il qu’on permette encore, alors qu’on avait pensé l’abolir en 2016, la MULTIPLICATION du congé fiscal sur le gain en capital ? C’est plus de 200 000 $ d’impôt PAR PERSONNE dans une famille qui peuvent être sauvés par les personnes en affaires, même avec les enfants MINEURS!

Les fiscalistes, dont plusieurs gagnent leur vie à s’obstiner contre l’État sur des impôts payables ou non, sont-ils dépourvus d’éthique parce qu’ils exploitent les failles du système ?

La fiscalité n’est pas simple. En fait, comme me l’a enseigné Luc Godbout dans un de ses cours de fiscalité, les lois fiscales (comme bien d’autres lois) sont un compromis notamment entre la simplicité et l’équité. Si la Loi de l’impôt sur le revenu était simple, elle pourrait s’écrire comme suit :

« Envoyez 10 % de votre revenu au gouvernement fédéral ».

Simple, n’est-ce pas ? Une seule ligne.

Mais, pour ce qui est de l’équité, on repassera.

À l’autre extrémité, si la loi était parfaitement équitable pour chaque citoyen, elle pourrait s’écrire dans un livre qui aurait l’épaisseur de votre maison, probablement… et encore!

Donc, elle se situe quelque part au milieu de ces extrêmes et elle répond, tant bien que mal, à plusieurs objectifs, dont celui d’équité.

Mais il y a des trous. Est-il équitable de profiter de ces trous ? Les personnes dans le camp du NON, qu’elles soient idéalistes ou envieuses, ont une position souvent ferme à cet égard.

Le camp du OUI.

Dans ce groupe, l’argumentaire peut varier. Dans l’exemple du SRG versé à des millionnaires, il peut y avoir différents intervenants dans le décor.

Un conseiller financier peut se dire que s’il n’offre pas cette option à son client, ce dernier peut mettre un terme à sa relation d’affaires si un autre conseiller arrive dans le décor et lui propose une telle stratégie. Pour un conseiller financier, il s’agit donc d’une question de gagne-pain… comme un fiscaliste.

Mais pour qu’un conseiller financier puisse avoir ces pensées, il faut qu’il y ait des clients désireux de « sauver de l’impôt » au maximum. C’est comme n’importe quel marché : s’il n’y avait pas de clients intéressés, le produit ou le service n’existerait pas.

Est-ce normal pour des clients riches d’utiliser le SRG comme stratégie ?

Le SRG est versé aux personnes âgées ayant un revenu IMPOSABLE faible. Une personne ayant suffisamment d’argent dans son compte de banque peut faire exprès pour avoir des revenus imposables très modestes.

Mais est-ce éthique ?

Si une personne a assez d’argent dans son compte chèque pour vivre quelques années dessus, il y a fort à parier qu’elle ait gagné des revenus importants au cours de sa vie. Son argument est donc de récupérer une partie de cet impôt, même si la récupération du SRG ne s’appelle pas ainsi. Aucune importance, c’est le même payeur : le gouvernement fédéral qui puise dans ses fonds publics.

Quelqu’un est-il lésé par un millionnaire que demande le SRG ?

Non.

Tous ceux qui ont droit au SRG y auront quand même droit sans quelque réduction que ce soit à cause des riches.

Alors est-ce éthique ?

Un comportement qui ne fait de tort à personne est-il non éthique ?

Vouloir récupérer une partie de l’impôt qu’on a payé pendant sa vie est-il mal ?

Vouloir « sauver de l’impôt » est-il inacceptable ?

Répondez franchement pour vous-même. Si vous aviez l’occasion de payer moins d’impôt, en profiteriez-vous ?

Certains ne passent pas à l’action, non pas par manque d’envie, mais par fierté… « Ce n’est pas pour moi, c’est pour les pauvres. »

J’ai souvent écrit sur le sujet et je le rappelle : il serait TELLEMENT SIMPLE de corriger cette situation pour ne pas permettre aux personnes riches d’avoir accès au SRG. Si l’État ne fait rien depuis autant d’années, c’est qu’il est très à l’aise avec ça.

En terminant, j’aimerais vous montrer un graphique qui montre des taux d’imposition implicites, c’est-à-dire l’ « impôt » qu’on paie lorsqu’on augmente son revenu. Cet impôt peut prendre la forme d’une réduction de revenus provenant de l’État ou encore d’une hausse d’impôt (ou de cotisations) à proprement parler.

Ce graphique montre trois courbes, que j’ai calculées, représentant trois situations : une personne seule, un couple de 65 ans et plus et un couple dont l’un des conjoints est âgé de 65 ans et plus et l’autre est âgé de 60 à 64 ans.

Les pourcentages sur l’échelle de gauche représente l’ « impôt » payable par tranche de 1 000 $ de revenu imposable (excluant la pension de la Sécurité de la vieillesse, PSV).

On voit donc que plusieurs situations ont des taux d’imposition de plus de 60 %, quelquefois plus de 80 %! À ces taux d’imposition, les puristes sont-ils très nombreux ?

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